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vendredi 13 juin 2014

L’arbitre de football agressé, Jonathan Blondy, 23 ans, raconte l’agression dont il a été victime dimanche à Antonne
Arbitre taclé et frappé en Dordogne : "J’ai la trouille de revenir sur un terrain"
Jonathan Blondy (à droite) est très entouré par ses collègues depuis l’agression, comme ici lors d’une réunion des arbitres au District du football, à Marsac-sur-l’Isle. © Photo
Jean-Christophe Sounalet
Plusieurs jours après, l'incompréhension demeure. « Je ne comprends toujours pas ce qui m'est arrivé », confie Jonathan Blondy, agressé en plein match, dimanche à Antonne. Cet après-midi anodin ne quitte pas ses pensées, le jour, et ses songes, la nuit : « Je rumine, je me demande si je ne suis pas fautif. Je me ressasse le film du match. »
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Une rencontre de D2 de District sans enjeu entre Antonne-Le Change B et Périgueux Foot, deux équipes assurées d'évoluer au niveau supérieur la saison prochaine. « Tout se passait bien, le climat était excellent, raconte l'arbitre de 23 ans. Le numéro 9 de Périgueux Foot a contesté à plusieurs reprises les décisions du trio arbitral. Je l'ai rappelé à l'ordre et à la mi-temps, j'ai signalé à l'entraîneur adjoint qu'il serait averti s'il continuait. Ça s'est arrêté là. » Pour la première période.
Après la mi-temps, les événements vont s'accélérer. « Sur la première action, le 9 réclame un penalty. Il y a des premiers propos qui fusent lors de l'action suivante. J'entends “je vais le niquer”. Ensuite, Périgueux prend un deuxième but. Avant même le coup d'envoi, il m'a regardé en serrant le poing gauche et en l'amenant vers la bouche. Au moment où j'ai voulu sortir le carton jaune, il s'est jeté sur moi. Il a fait 10 ou 15 mètres pour me frapper deux fois à la jambe droite. Je me suis retrouvé à terre. Il a continué à me rouer de coups. Des joueurs d'Antonne sont venus me protéger et le joueur a filé directement aux vestiaires », détaille l'homme en noir, toujours choqué.
Les gendarmes et les pompiers vont intervenir et évacuer l'arbitre à la clinique Francheville, à Périgueux. Les examens vont révéler une vertèbre déplacée et des hématomes au coude gauche et à la jambe droite. Équipé de béquilles depuis, il reprendra son travail dans une banque le 20 juin.
Plus que les blessures physiques, les séquelles morales le font souffrir. « J'ai du mal à trouver le sommeil. Je prends des cachets. Je suis incapable de rester seul chez moi, j'ai des crises d'angoisse, confesse-t-il. Heureusement, je suis entouré par ma famille, mais aussi par mes collègues arbitres. L'arbitrage, c'est une communauté, c'est une deuxième famille. » Les messages de soutien des deux clubs concernés et de l'extérieur le réconfortent également.
En revanche, il n'a pas de nouvelles de son agresseur. « Il ne m'a pas contacté, confirme-il. Je n'attends rien de lui. Je ne le connais pas, donc je n'ai pas à le juger. J'espère juste que son acte sera lourdement sanctionné, car ce qu'il a fait est inhumain. » En ce sens, il a déposé plainte mardi au commissariat de Périgueux pour coups et blessures.
Une violence sur les terrains qui se banalise à tous les niveaux. « Je suis le 72e dossier cette année en France. C'est 72 de trop. On nous compare souvent à des flics, mais on est là par passion », explique Jonathan, qui a découvert le sifflet à 17 ans. « Au-delà de la fonction, l'arbitrage rythme ma vie avec les réunions, les stages, les formations », présente celui qui encadre aussi des jeunes arbitres. C'est pour cela qu'il a accepté de témoigner. « Il ne faut plus que ça se reproduise. Il faut que mon histoire serve d'exemple. J'ai senti un élan de compréhension autour de moi. C'est positif pour le foot en général. L'arbitre ne doit plus être un bouc émissaire. »
Du coup, il va poursuivre un parcours prometteur qui, en moins de six ans, l'a déjà emmené au niveau senior Ligue et à intégrer la commission départementale. « J'ai la trouille de revenir sur un terrain, avoue Jonathan. Mais je m'impose de reprendre. Je suis trop passionné et puis, ce serait lui donner raison quelque part. Je n'ai rien à me reprocher sur ce match, tout le monde me l'a dit. Je me suis tellement investi pour défendre l'arbitrage que je n'ai pas le droit d'abandonner. »
Demain, il devait clore sa saison par la finale U18 entre Ribérac et Bergerac à Razac-sur-l'Isle. « Ça devait être mon dernier match chez les jeunes. Mon jubilé en quelque sorte. Une finale est une récompense. Un individu m'en prive sans raison. »